"Lily”, couverture du roman signée Séverin Millet.

Lily

Roman
La Joie de lire · février 2015
Couverture, Séverin Millet

— Lève-toi, oui, toi, approche. Rentre dans la lumière et montre-nous qui tu es.
Lily s’est levée, jambes et bras emmêlés. Son chignon a cédé, ses cheveux sont venus noyer ses épaules, sa nuque. Elle a regardé le chorégraphe. Elle a planté ses yeux au fond des yeux couleur glacier et elle a balbutié :
— C’est moi, c’est Lily…

C’est avec beaucoup d’émotion que je vois ce roman publié au sein de la collection “EncRage”. Encore plus d’émotion et de poids autour de ce roman lié à l’Algérie après ce 7 janvier 2015…

On ne se défait pas des personnages qu’on a créés

L’idée de raconter un amour, un lien trop fort entre un frère et une sœur est présente depuis longtemps dans mes projets. La bâtir sur des jeunes gens dont le père est mort quand ils étaient enfants était une suite évidente pour moi au personnage de Nina, dans Pablo de La Courneuve. Et j’ai vu Nina danser, peut-être sur les pas de la Goule… La danse. Souvenirs de mes cours de danse trop tôt interrompus par une scoliose ? Des ballets de Béjart qui ont peuplé mon adolescence ?

De l’album au roman

Nina est devenue Lily. J’ai d’abord écrit son histoire en imaginant un album CD. J’entendais les duos frère-sœur, les complaintes de Lily et ses mouvements d’humeur sur des pas de danse… Est-ce que j’étais déjà dans un film de Jacques Demy ? Sans doute.

Je venais de publier L’enfant silence avec Benjamin Lacombe, j’ai pensé à lui. On a commencé à travailler. Au lien trop fort entre un frère et une sœur, Benjamin préférait un garçon sur le toit, un amoureux romantique et secret. Nino qui ne s’appelait pas encore Nino est né. Mais je tenais à la problématique du lien frère-sœur, et l’histoire débordait sur des thèmes très adolescents, on sortait de l’album, le roman prenait forme.

Une guerre…

J’avais donc une jeune fille orpheline de père, qui aimait trop son frère, et qui allait en être séparé. Qu’est-ce qui pouvait les séparer ? C’est là qu’est intervenue la guerre d’Algérie, encore une évidence. Une nécessité.

Je suis née à la toute fin de ce qu’on n’appelait pas encore “la guerre d’Algérie” mais “les événements d’Algérie”. Mes copains de classe venaient souvent de ces terres de l’autre côté de la Méditerrannée, d’autres de l’Espagne franquiste. La guerre faiseuse de destins déracinés… J’ai appris l’existence de cette guerre avec Les parapluies de Cherbourg sur un écran de télé en noir et blanc. Plus tard, vers treize ans, l’Algérie est revenue dans mon quotidien avec le militantisme, les discussions sur l’état du monde et la parole d’un prêtre ouvrier appelé en Algérie, revenu défait, obsédé par les horreurs qu’il y avait vécues.

Nous sommes tous des enfants de la guerre d’Algérie… Alors oui, nécessité de parler encore aujourd’hui — surtout aujourd’hui ! — de cette histoire lourde de non-dits. De mettre à nu ces racines défigurées pour permettre aux enfants qui en sont issus de mieux grandir.

… un destin de femme

Une jeune fille, un amour démesuré pour son frère, la danse et des règles trop strictes… la guerre. Et la nécessité de s’émanciper, de choisir elle-même son destin. Ici, Lily rejoint Bala et Noura… Qui a dit qu’on écrit toujours le même livre ?

Un hommage

Au-delà de l’immense respect que j’éprouve pour ceux qui ont dit non à l’horreur de cette guerre, en écrivant ce roman, j’ai voulu aussi rendre hommage à Jacques Demy et son cinéma, aux films de la nouvelle vague, à Cléo de cinq à sept et à Agnès Varda, au jazz, à ce vent de liberté créative qui soufflait dans ces années soixante.

• Le Paris de 1961.

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