Roman illustré par Sylvain Bourrières
Flammarion, août 2011
« Sa e manušikane strukture bijandžona tromane thaj jekhutne ko digniteti thaj čapipa. »
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Angel a débarqué à l’école juste après les vacances de février. On avait déjà chacun notre place, nos copains, et aucune envie d’être dérangés par un nouveau. […]
Alors, quand Angel est entré dans la classe, la première fois, on s’est tous demandé où il allait bien pouvoir s’installer.
Angel, il n’est pas comme nous. Enfin… pas tout à fait comme nous. Il est différent, surtout ses yeux. Angel ne regarde pas, il observe, tout le temps. Il scrute. Il reste de longs moments, seul, à nous épier. Je l’ai bien vu : il a toujours trois billes avec lui, pendant toute la récréation, il les fait rouler dans ses mains, entre ses doigts, et il nous fixe.
L’autre jour, Caroline a proposé de l’inviter pour jouer à chat, mais on a tous grimacé : on était déjà assez nombreux, il ne courait sûrement pas assez vite, il avait cet air étrange, et son sac à dos était trop moche. Vraiment, ç’aurait été la honte de jouer avec ce garçon bizarre et aussi mal habillé. Laura, qui a toujours le dernier mot, a résumé la situation en lançant :
« Laisse, c’est un Gitan. »
“Dans les yeux d’Angel”, roman
Découvrir, rencontrer
“La valse des Roms”, un web documentaire pour mieux les connaître.
À l’école primaire, un de mes premiers amis était Gitan. Il habitait le même HLM que moi. On partageait nos briques de jus de raisin à la récré, on écoutait ensemble des chansons lancées à plein volume à travers nos fenêtres ouvertes.
Je ne savais pas qu’il était Gitan, et je m’en fichais. C’était mon ami.
À l’âge du lycée, le dimanche matin, avec ma meilleure copine, on gagnait notre argent de poche en travaillant dans une boulangerie. Michèle, la boulangère, était Gitane. À l’heure de la fermeture, ses copains de Berriac venaient la chercher. On était bien, ensemble, à rire de tout et de rien. C’était de sacrés bons moments.
Puis il y a eu l’université, Montpellier, pas si loin des Saintes-Maries de la Mer…
Et des années après, en mai 2010, Leituria Furiosa*, l’équipe du Cardan et ces trois jours passés avec Laurent-Pompon, Kévin-Kéké, Ruby et les copains du camp du Marais Malicorne. Trois jours en apnée, trois jours d’émotions pures.
Quelques semaines après, les Roms faisaient la une de la presse bien malgré eux. Ce pays dans lequel je suis née se déshonorait, et je ne pouvais rien faire. Qu’écrire.
Un hommage
Cette histoire, hommage aux Roms, aux Gitans, aux Voyageurs, ce texte commencé des années auparavant, est devenu roman.
* Leitura Furiosa est un événement organisé chaque année par l’équipe du Cardan, une association qui œuvre autour de “la transmission du plaisir de lire et le droit au savoir aux personnes qui ont eu maints accidents sur le terrain de leur vie.”
Merci à Véronique Duclercq et son mari, Bernadette et René Desesquelles, qui m’ont si gentiment accueillie, à Luiz Rosas, Denis Lice, Marie-Pascale Baronnet, et toute l’équipe du Cardan. Mille mercis, bien sûr, et toute mon amitié à Laurent-Pompon-Pinette Prun, et à sa sœur Ruby, à Kévin-Kéké Maillard, à Lévy, son frère, à Soumi, l’enfant au poussin noir, à sa sœur Vicky, à Colombe-Heather et à Grâce, Jordan, Dawson, Mona, Janis et leurs familles, qui m’ont entrouvert la porte d’un monde trop mal connu.
Des prix, des blogs, de la presse…
Lauréat au Prix littéraire des Montagnes d’Auvergne · Nominé au prix Janus Korczak 2013/2014 · Au prix des écoliers de Rillieux-la-Pape 2014 · Au prix des Dévoreurs de livres 2012/2013 avec un rap improvisé… · Au prix Val de Lire de Beaugency · Au prix du Pré-Saint-Gervais · Au prix Ruralivres 2013…
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Couverture et illustrations © Sylvain Bourrières.
Photo du web docu de France Culture, prod. Mediasolidaire