Les fragiles, couverture.

Les Fragiles

Roman
Exprim · Sarbacane · avril 2016

Je m’appelle Drew.
Drew Castan, dix-sept ans, toutes mes dents. Drew, Drew Castan… Arrête, Drew ! La tempête, les images. Faut les bloquer. Des bulles acides. Les crever. Je voudrais vomir.
J’ai envie de vomir depuis l’âge de neuf ans, depuis ce jour où mon père a lancé ce « sale nègre » par la vitre de la camionnette. Pas son premier « sale nègre », mais ce jour-là, le nègre, c’était Ernest, le gardien du stade. Ernest qui m’encourageait tous les mercredis depuis deux ans chaque fois que je flanchais. Ce mercredi-là, il a traversé en dehors des clous, il aurait pas dû.

(Enregistrement Europe 1, dirigé par Esther Leneman, mai 2017)

Une rencontre, un enfant

Toute une aventure autour de de ce roman… d’abord, la rencontre d’un enfant de neuf ans, dans une classe, un jour d’automne 2013. La classe était attentive, les enfants avaient tous lu Pablo de La Courneuve, on parlait du racisme, je disais à quel point je trouvais ça bête, le racisme. Et un enfant m’a interrompue. Le visage cramoisi par l’émotion, par la conscience de la transgression, il a levé le doigt et a parlé en même temps :

« Mais moi, Madame, mon père il est raciste. »

Je me suis rarement trouvée aussi démunie devant un enfant. J’ai pataugé : c’est le racisme que je trouvais bête, pas son père et… un jour, sûrement, ils pourraient en parler, tous les deux, mais là…
Oui, désarmée, déstabilisée, toutes mes certitudes pulvérisées. Et le roman, déjà, surgissait : que pouvait devenir un enfant dont les valeurs sont à ce point écartelées entre l’apprentissage du “vivre ensemble” à l’école laïque et un père qui assène le contraire tous les jours à la maison ? Un personnage naissait, un adolescent, un funambule posé sur une ligne de vie incertaine…

Bien sûr, je n’ai pas voulu raconter la vie de cet enfant-là, celui qui ce jour-là m’a bouleversée, son histoire lui appartient. Mais à partir de ses mots, de son cri, j’ai voulu inventer un personnage qui grandirait dans ce trouble, cette confusion des valeurs. Et Drew est né. Son père avec lui, sa mère, et très vite, cette fille, une autre funambule de la vie, Sky.

Une rencontre, un éditeur

Aventure aussi du côté de l’éditorial… Il y a longtemps que je regardais du côté des romans Exprim, que j’en lisais. Mais pour des tas de raisons, je n’avais jamais proposé de manuscrit à Tibo Bérard, “Monsieur Exprim”. Jusqu’à ce salon d’Aubagne, ce même hiver 2013, où j’ai assisté à une conférence de Tibo avec Axl Cendres. Ils parlaient de leur façon de travailler ensemble, une complicité éditoriale qui m’a bluffée, que je voulais expérimenter. Restait à écrire l’histoire de Drew, et à ce qu’elle plaise à Tibo.

La rencontre a eu lieu entre Tibo et Drew. Alors on a avancé, ensemble, vers l’aboutissement de ce roman. Du travail, des interrogations, des remises en question, pour un roman dont je suis fière. Une histoire au sujet complexe, lourd, mais qui est surtout une histoire d’amour et d’amitié entre deux adolescents, des êtres vulnérables, des… fragiles.

En Colombie et en Amérique du Sud

Los Frágiles, maintenant en Colombie et en Amérique du Sud avec les éditions Norma.

Une traduction qui m’a emmenée jusqu’à Bogóta et sa fantastique Feria del libro en mai 2017.