carnet

Merci, Agnès

Midi et demi, sortie du métro Quinet

J’attends Cécile, une autre Cécile, une au sourire grand comme un soleil. On a rendez-vous pour déjeuner. Le printemps balaie Paris d’une lumière presque trop pure. Sur un scooter, un couple passe, séparé par un cadre à quatre carrés, image de ciné. La nouvelle s’affiche sur l’écran de mon téléphone : décès d’Agnès Varda.

Bien sûr, on s’y attendait, mais la nouvelle résonne comme une impossibilité. Les rues de Paris ne seront plus jamais tout à fait les mêmes : Agnès-Cléo ne les arpentera plus. Lunettes noires pour cacher mon regard embué.

Agnès m’accompagne depuis mes années de fac. Elle m’a tenu la main (sans le savoir), j’ai grandi avec elle. J’ai construit mon mémoire de maîtrise autour de ses photos du TNP, elle est un modèle joyeux et malicieux, une grande sœur sorcière dans un monde d’hommes empesés.

Rue Daguerre, après le déjeuner

Assis par terre, un vieil homme joue du saxophone. Le bazar est toujours là, les commerces de bouche aussi. Rien n’a changé, et pourtant.

Je marche, un jasmin à la main. J’aurais voulu des immortelles, elles auraient eu le parfum des plages de Sète, mais ce n’est pas la saison a dit la fleuriste. La rue est longue. On y avance comme dans un travelling. Un peu comme dans le bureau de Ciné-Tamaris qui a des airs de long couloir. Un jour, j’y ai vu Agnès, Madame Varda, s’avancer vers moi, sourire aux lèvres. Instant arrêté. Je lui portais Lily, un roman écrit en hommage à Cléo de cinq à sept et aux films de Jacques Demy. En échange, elle m’a donné trois noix.

Une porte rose et des patates

Au 88 de la rue Daguerre, la large porte rose. Des fleurs, des patates cœurs et des gens. Des hommes, des femmes, et le silence.

Agnès, vous me manquez déjà… Merci pour tout.