23 octobre 2014.
Il est des voyages dont on revient différent. On est rentrés de la réunion depuis deux jours et les lumières de l’île continuent de miroiter dans nos yeux. Oui, mon cœur l’a chaviré pour cette île, ses habitants, ses paysages, sa douceur, sa force, son métissage et sa folie.
Deux grands moments dans cette aventure : les jours à Mafate et ceux passés au salon du livre de l’Océan Indien. Une seule équipe pour les deux : l’Adben, le réseau des professeurs documentalistes de la Réunion, autour de Martine Le Maux et de Muriel Enrico.
Martine, c’est la présidente, sérieuse, comme une présidente, sauf quand elle rit, et elle rit souvent, qu’importe les coups de vent. Muriel, c’est notre ancre, le point de ralliement, le repère et… le grain de folie. Qui d’autre qu’elle aurait pu imaginer faire grimper douze auteurs et illustrateurs sur des pitons où l’on n’accède qu’à pieds, sac au dos, sur des sentiers vertigineux ? Penser les emmener jusque dans ces classes uniques, une ou deux par “îlet” (prononcer le “t” et entendre “village isolé”), des écoles où les enfants les attendent, leurs livres dans les mains, un chant de maloya sur les lèvres ?
Les aventuriers de Mafate
Des “métros” : Judith Gueyfier, Jo Witek, Antoine Guilloppé, Laurent Corvaisier, Cécile Hudrisier, Carole Chaix et moi, et des Réunionnais, Fred Theys, Joëlle Écormier, Moniri M’Bae, Corinne Decloître, Teddy Lafare Gangama. Sans oublier le musicien Mounawar et son très beau spectacle autour des Larmes de l’assassin, version BD.
Des aventuriers aussi dans le cirque voisin de Salazie (mais celui-là est accessible par route) : la “métro” Nathalie Infante avec Fabienne Jonca et Joëlle Brethes rejointes les derniers jours par Carole Chaix.
Pour que ces rêves fous prennent vie, il y a aussi Chantal, Anne, Nathalie, Émilie, Lætitia, Dominique, Marie-Claire, Patrick, Céline, Théo, Monique, Tiphaine, Ingrid, Mikaël et Zya… Lætitia et Guillaume qui nous ont reçu dans leur classe à Mafate, les enseignants rencontrés au salon, nos chauffeurs guides, Gino, Christian et Quentin, et une mention spéciale pour mes anges gardiens sur les chemins de Mafate, Fred Theys (auteur et illustrateur, papa des Zazous qu’il sème à tous vents) et Laurence Hoarau. Une pensée pour toi, Lolo, qui prend ce soir la Diagonale des Fous, trois jours et trois nuits à marcher courir du sud au nord de l’île…
Au cœur de Mafate
Le nom Mafate viendrait d’un nom de guerre, “qui cause la mort”. C’est vrai, on meurt de Mafate pour mieux vivre, on n’en sort pas comme on y est entré. Après avoir gravi des kilomètres de montée en plein soleil austral, l’éblouissement nous tombe dessus quand on se retrouve dans des paysages paradisiaques. Le cœur près de l’implosion, tout à coup, s’élargit, le regard change. On est ailleurs.
Les valeurs bougent, les idées se bousculent. On réapprend à observer, à humer, à écouter. D’une forêt de filaos à une de bambous, au passage d’une rivière de galets, d’une cascade en à pic à des jardins d’eden, devant le ciel du soir et son explosion de roses, sous les étoiles australes, en arrêt devant le lever de la lune pleine derrière une muraille de roches, à l’écoute du cri des animaux nocturnes, au milieu des visages des Mafatais, sereins, si beaux, on grandit…

Que ce soit à Îlet-à-Malheur ou à Aurère, je ne suis pas certaine d’avoir apporté avec mes livres autant de rêves et de nouvelles façons de penser la vie que ce que ce séjour, ces enfants, m’ont apportés. Mais c’est cela aussi, les rencontres. Elles se font dans les deux sens. J’ai en tête une histoire. Le visage d’une enfant mafataise la nourrit. Son geste, quand elle a posé sa poupée vêtue d’une robe de princesse sur un rocher, comme une offrande abandonnée aux esprits de la nuit. Oui, l’histoire est déjà là, en germe. Un album, sans doute, à partager avec une illustratrice qui “a fait Mafate”, comme moi. Un livre pour ouvrir une fenêtre aux enfants des villes sur ce jardin d’eden, sur une autre vie possible.
• Un reportage sur Îlet-à-Malheur et Mafate.
Diaporama
Cliquer pour voir les photos en grand. Merci à Fred Theys pour les photos de l’école d’Îlet-à-Malheur.
NB : les Mafatais que j’ai rencontrés n’aiment pas voir leur visage photographié, j’ai volontairement mis peu de photos d’eux et flouté le visage des enfants.
• À suivre : le salon de l’Océan Indien, les rencontres, les copains…
• Pour voir les carnets de Carole Chaix.
• Suivre Judith Gueyfier dans Mafate sur son blog.